Seuls, appuyés à la rambarde arrière, sur le plus haut pont du bateau, nous regardons le sillage qu’il trace sur la mer. Le temps s’étire sur cette fin de journée. Tous deux, main dans la main, nous restons face à l’immensité. Silencieux à regarder cette ligne rouge du couchant. Un bateau au loin navigue, nous ne savons vers quelle destination, quel port ou quels espoirs. Dans la douceur du soir, face à tant de simples beautés les souvenirs nostalgiques, viennent magnifier notre sensibilité. D’une pression sur la main, ma compagne me dit : Tu te souviens ?
Mon esprit qui était dans le présent revient vers quelques années en arrière. Le soleil est là, brûlant. Elle est là, cheveux au vent. Sa main était déjà dans la mienne lors de cette promenade de vacances. En nous promettant d’avoir un jour une maison avec un jardin, avec beaucoup de fleurs, nous regardions celles de ces beaux massifs des villas accrochées au rocher. Les couleurs explosaient sous ce soleil d’été. Sur un fond des tiges et de feuilles vertes, le rouge et le jaune des pétales se disputaient avec le bleu des agapanthes. Je me souviens de son regard face à la mer, face à ces fleurs. Elle se pencha, huma les odeurs sucrées des nectars qui se mêlaient à l’odeur forte et iodée de la mer. Elle était déjà belle.
Les vagues, qui se brisaient sur les quelques rochers, tambourinaient un air de vacances. Un vent léger animait les branches pour accompagner le concerto marin d’un doux feulement. Et puis derrière cela, il y avait le silence. Le silence de la tranquillité paisible du lieu. Pas de bruits humains, seule la nature s’exprimait.
Je me souviens de ma main qui plongeait dans le sable pour y rechercher la chaleur de ses grains, et qui, la main ouverte les laissait filer comme le temps qui passe. J’applaudissais pour en faire tomber les derniers vestiges et pour reprendre la main chaude de ma compagne.
C’est à ce moment-là aussi qu’elle a sorti de sa poche deux bonbons. Des bonbons à la menthe. En riant du cadeau, nous les avons sortis de leur enveloppe transparente pour les porter à la bouche. Ah ! ce goût de la menthe, face à la mer, sous le soleil des vacances, quelle somptuosité sur les papilles !
- À quoi penses-tu ?
La voix à côté de moi réveille ma léthargie.
Je garde ces souvenirs, je les raconterai plus loin, en marchant le long du bateau. Je lui demande seulement :
- Tu n’aurais pas un bonbon dans ta poche ?
J’avance, mon dos est douloureux. Je ne cours plus sur le sable, mais mon bonheur est toujours là.
© Pierre Delphin –