S’il y a une chose que je ne perdrais jamais, ce sera mon sourire. Pour le reste, vous pouvez tout me voler.

Nous avons effectué une longue navigation depuis Colombo pour nous diriger vers la méditerranée. Après avoir longé la côte sud-ouest de l’Inde, nous avons traversé l’océan indien, une partie de la mer d’Arabie, pour arriver à l’entrée du Golfe d’Aden.

Ces quelques jours se sont passés agréablement, le matin pour moi séance sportive, pendant que Pierre dans la cabine écrivait. Nous nous retrouvons pour aller au SPA, parfois Pierre préfère rester sur le pont supérieur au soleil pour lire ou écrire ou tout simplement bavarder.

J’ai participé à quelques activités du bateau, bref une routine agréable, agrémentée de belles surprises, comme la rencontre de bandes de dauphins qui nous escortent quelque temps. Le soir dans notre cabine nous avons le plaisir de voir de magnifiques couchers de soleil avant de nous rendre au théâtre, retrouver nos amis autour d’un verre de cocktail puis d’aller diner, papoter, quelques incursions dans les salons de danse puis nous regagnons la cabine vers 23h38Mn49s fatigués.

 

Lorsque nous arrivions à proximité du golfe d’Aden, au large de la frontière avec le Yémen, nous avons reçu quelques consignes à respecter pour trois jours en raison du risque d’actes de piraterie. Des hommes armés sont montés à Colombo et notre camériste nous a précisé que le navire était escorté par des bateaux militaires, information que nous n’avons pas pu vérifier, mais nous voyons sur les ponts des membres de l’équipe de sécurité en surveillance 24 heures sur 24. Positionnement des équipes de sécurité sur tous les bords du navire, gilets pare-balles à portée de main, lances à incendies déployées de tous côtés. Notre périmètre de circulation est très limité, mais le plus impressionnant, c’est la nuit où tout est calfeutré afin de ne laisser passer aucune lumière vers l’extérieur.

 

Le vendredi de Pâques, nous avons vécu deux moments chargés d’émotion. Tout d’abord, la vie sur le bateau s’est immobilisée à 14h précises en mémoire des décès liés au coronavirus et en soutien de l’ensemble des soignants. À 15 heures une très belle célébration du Vendredi saint. En ouverture, une chorale de passagers entonne Amazing Grace.

Puis la lecture de la passion, traduite en toutes les langues, par des officiers. La parole fut donnée à certains passagers, dont je faisais partie, pour de petits messages de leur cru. Personnellement, j’ai remercié le commandant et son équipage ainsi que tout le personnel navigant de nous permettre de continuer paisiblement notre voyage et en leur souhaitant le meilleur pour retourner dans leur famille.

À la fin de la cérémonie, les artistes, musiciens et chanteurs ont interprété un émouvant Lacrimosa du Requiem de Mozart. Le théâtre était plein, on ressentait une vraie ferveur certainement liée à cette pandémie qui ébranle notre monde. Ensuite, j’ai retrouvé Pierre qui m’attendait au bar pour l’apéritif du jour.

 

Le jour de Pâques, au théâtre, fut proposée une retransmission de la messe célébrée par le pape depuis la basilique Saint-Pierre. Le bateau était décoré dans les thèmes de Pâques, avec en plus des traditionnels œufs en chocolat, beaucoup de lapins, ce qui prouve que les superstitions liées à l’évocation d’un lapin sur un bateau ne sont que l’apanage de la marine à voile.

 

Continuellement, nous avons eu des informations sur notre situation par rapport à cette zone de navigation délicate, qui s’étend après le détroit d’Aden, à la partie sud de la mer rouge. Sans aucun problème nous avons dépassé les frontières de la Somalie, de l’Érythrée la partie la plus dangereuse, le Soudan et le Yémen.

Pendant notre traversée de la mer rouge, une soirée d’adieu fut organisée. Le commandant dès son arrivée sur scène, a reçu un très long standing ovation des passagers pour le remercier de sa bonne gestion de cette crise au sein du navire. Son discours a bien résumé notre voyage, il fut très chaleureux envers son équipage.

Lorsque nous quittons la zone de risque de piratage, nous apercevons au loin le rivage égyptien et arrivons en rade de Suez pour passer la nuit. Le lendemain à l’aube nous entamons la traversée du canal de Suez, qui nous ramène en mer méditerranée.

Le canal de Suez est situé en Égypte, long de 193,3 km, large de 280 à 345 m et profond de 22,5 m, qui relie, via trois lacs naturels, la ville portuaire de Port-Saïd en mer Méditerranée et la ville de Suez dans le golfe de Suez, permettant ainsi de relier les deux mers.

L’histoire du canal de Suez remonte à l’Antiquité. À cette époque, on cherchait déjà à établir une voie navigable pour joindre le Nil à la mer Rouge par le lac Timsah. Le projet fut abandonné, car comblé constamment par les vents de sable.

Le projet de jonction fut repris au XVIe siècle par les Vénitiens puis par Bonaparte lors de l’expédition d’Égypte.

Ferdinand de Lesseps soumit un plan de percement qui fut accepté et on lui accorda la concession du canal. Le canal fut inauguré en novembre 1869. Plusieurs stations ont été établies sur le trajet, la principale est Ismailia et aux entrées Port-Saïd et Suez ont été aménagés.

Le Magnifica emprunte le canal au petit matin, la traversée va durer tout au long de la journée. Depuis notre balcon, nous avons l’impression d’être à terre, ce qui nous fait beaucoup de bien après 15 jours de mer consécutifs.

Les paysages sont très variés entre grandes falaises sableuses et paysages plus champêtres. Beaucoup de chantiers pour des constructions nouvelles. Les ouvriers nous saluent et avons droit aux concerts de klaxons.

Nous prenons des clichés pour conserver visuellement cette traversée et les jumelles nous permettent de regarder quelques villes sans charme développées tout du long de ce poumon économique de l’Égypte.

Nous arrivons à Port-Saïd. Le port s’étend à perte de vue, de la ville nous n’apercevons que des barres d’immeubles bordées de marais salants.

Nous quittons le canal vers 18h, la méditerranée est enfin à nous. Nous apercevons encore Port-Saïd qu’une information générale par microphone nous indique que nous faisons route vers Israël à la rencontre d’une assistance sanitaire pour transférer un passager vers un hôpital. Malgré sa proximité, l’Égypte a refusé l’assistance médicale à ce passager. À 21h un hélicoptère de l’armée l’évacue depuis le pont 13 et nous repartons dans la bonne direction.

Nous avons fait un détour de cinq heures, insignifiant selon Pierre. Cela ne perturbera nullement notre arrivée à Marseille le 20 avril. Le débarquement se fera par petits groupes afin de respecter la distanciation, des cars seront mis à disposition pour rejoindre les aéroports et les gares. D’autres circuleront vers l’Espagne, l’Italie et les autres pays des passagers. Nous avons prévu de débarquer dans la matinée du 21, un taxi viendra nous cueillir avec nos bagages et direction la résidence secondaire de Tamaris où nous attendrons la fin du confinement. Nous ne serons nullement malheureux, une seconde croisière terrestre avec toujours la mer en vision.

 

En attendant mardi prochain la vie continue à bord toujours aussi plaisante. Nous avons droit aux concerts d’adieu des musiciens, à des shows spectaculaires des artistes et aux derniers cours de gymnastique, de Pilate, de danses. Chaque fin de séance est émouvante, nous avons été une petite famille pendant ces quatre mois. Des souvenirs plein la tête, des moments chaleureux, beaucoup d’émotions.

 

Malgré les aléas de la vie, le confinement, ce fut un merveilleux voyage et je remercie mon chéri de l’avoir planifié.

 

Annie, en mer le 17 avril 2020