Un tour du monde est une aventure exaltante, faite de rêves et d’envies à assouvir. C’est une forme d’idéal de voyage que l’on réfute ou que l’on espère. Trop long, disent certains, je crains de m’ennuyer, diront d’autres. Évidemment, tous ces avis sont acceptables puisqu’ils sont exprimés dans le libre ressenti de chacun.
Un deuxième tour du monde est différent. Il n’y a qu’une première fois. Certains rêves que nous avions au moment du premier départ, ne sont plus. Ils se sont modifiés, transformés dans les comparaisons. Comme la mémoire humaine a souvent le don d’enjoliver le passé, ces comparaisons peuvent engendrer de petites déceptions, et dire que c’était mieux la première fois.
Ainsi, dès le début de ce voyage, nos pensées, nos discussions avec les anciens du premier tour sont modulées par des propos comparatifs. Mais toute comparaison comporte des dangers parce qu’elle affronte des ressentis présents chargés d’émotion à des ressentis mémorisés pour lesquels, le temps a éliminé les scories. Mais il y a aussi, fort heureusement, des comparaisons positives qui donnent de l’enthousiasme pour ce nouveau voyage. Il y en a une qui me touche plus particulièrement ; sans doute banale en elle-même, et pour laquelle d’autres n’attacheront que peu d’importance, je veux parler des concerts de musique classique. Depuis longtemps, j’imprègne et je cultive mon esprit avec cette musique qui laisse toujours de la place à la découverte. Cela explique ma forte sensibilité à cet art. si je dois expliciter cette comparaison d’une manière rapide, tranchée, je dirai qu’au premier voyage nous avons eu un excellent orchestre classique. Sur ce nouveau voyage, nous avons un merveilleux orchestre classique.
Quand j’évoque cela, je perçois bien le questionnement que l’on peut me faire. Excellent, merveilleux, où est la différence ? Ma première réponse sera technique Plus grande précision du jeu du piano avec beaucoup de personnalisation. Même précision pour les autres instruments, deux violons, une flûte, un alto, un violoncelle. Mon point de vue est encore renforcé par les chanteurs qui à chaque concert, ajoutent une marque à mon étonnement. Un ténor digne des grandes scènes, qui chante avec une netteté musicale et une diction qui approchent la perfection. Étonnant. Il donne aussi une émotion particulière par le plaisir manifeste qu’il a à chanter et à se produire en public. Ma deuxième réponse est forcément sur l’écoute sensible de la musique. J’ai eu le plaisir de voir et d’entendre ce groupe de six musiciens et de quatre chanteurs en répétition. J’ai pu apprécier le souci qu’ils ont de la cohésion de leur ensemble ; de la précision des raccords entre les instruments comme entre les instruments et les voix. J’ai pu aussi mesurer le bonheur qu’ils ont à jouer ensemble. Le mot jouer étant pris dans les deux sens que notre dictionnaire nous propose. Mais la musique est toujours un ensemble de talents respectifs et de complicité entre les interprètes.
Dans ce deuxième voyage, j’ai aussi retrouvé le plaisir d’écrire, de laisser une trace sur une feuille vierge. J’ai un nouveau carnet, un nouveau stylo qui me permettent de faire glisser l’encre pour que les idées qui flottent dans ma tête puissent trouver refuge sur le grain du papier. Par cabotinage, je publie ces lignes sur un support de communication électronique. Mais, avant tout, je les garde pour moi, comme une trace pour les jours où ma mémoire sera défaillante.
Pierre Delphin – 17 janvier 2023 – ile Barbades