L’instant était attendu, l’instant était espéré, et bien sûr nous avons été pris par surprise. Avec ma mie et l’ami Marc, j’étais vautré dans un fauteuil quand nous vu arriver deux valises pleines d’autonomie sur leurs roulettes. Elle suivait ses bagages, et c’est elle qui nous a reconnus. Fi l’arthrose pour se lever d’un bond, l’instinct nous a guidés. Les bras se sont écartés, se sont refermés. Une bise, non plusieurs ont éclaté sur les joues. Bonheur de se retrouver.
Se retrouver, quel joli verbe que nous offre notre langage. Quel moment heureux lorsqu’on efface un temps passé. Presque trois ans de séparation, des échanges épistolaires. Une pandémie est passée, nous cherchons à l’oublier. Alors, le contact, une main sur l’épaule, des doigts qui se croisent, une chaleur ressentie. Un infini dans la tête.
Se retrouver, mais peut-on vraiment se retrouver après trois ans, après maintes péripéties pour chacun. Nous étions là, les anciens du voyage précédent. Nous attendions le spectacle promis, nous allions retrouver Magali. C’est elle qui nous avait donné tant de bonheur, chaque soir devant le piano avec les chansons qui étaient déjà ancrées dans nos cœurs. En entrant dans nos habitudes, elle était entrée dans notre affection.
Se retrouver. En trois ans, nous avons progressé dans notre âge. Avec cela, les soucis et les douleurs inhérentes au temps qui passe. Comme pour nous, le temps a passé aussi pour Magali. La pandémie a entravé sa carrière. Des cailloux blancs, des cailloux noirs ont marqué son chemin de joies et de peines. Mais, aujourd’hui, elle est là, solide, avec ce que les joies et les peines ont ajouté à sa personnalité. Ce temps, où le monde est resté figé, elle l’a consacré à faire évoluer sa carrière à chercher d’autres voies. Elle est tellement attachée à ce métier ! Elle chante pour les autres, elle chante pour elle aussi. Trois ans, le temps d’une métamorphose.
Beaucoup d’entre nous ont été surpris de changement de la petite chanteuse de piano-bar qui est devenue une chanteuse de scène. C’est toujours elle, ce n’est plus le même métier. Je me suis permis l’audace, le temps d’une conversation amicale de faire la métaphore du bouton de rose que nous avions connu, devenu une fleur épanouie. J’ai souvent, dans mon jardin, regardé à quelques jours d’écart, la même fleur avec des regards différents. Ce changement, qu’elle a voulu, est bien pour elle, il doit être bien pour nous, quelles que soient nos nostalgies. L’amitié doit-être acceptée dans son intégrité.
Aujourd’hui, la chrysalide est en cours de métamorphose. Je lui souhaite que les écueils qu’elle rencontrera soient source de progrès et de bonheur de les avoir surpassés. Je sais que les bonheurs seront aussi sur son chemin pour lui apporter la chaleur et l’amour qui sont sa force motrice. Je garde, nous devons garder en mémoire cette Magali 2020. Elle reste dans notre âme dans sa proximité affective qu’elle nous a apportée. Mais je suis si heureux d’avoir rencontré la Magali 2023, si différente dans sa profession, si identique dans l’affection qu’elle nous porte. C’est pour cela que nous lui disons : je t’aime.
Pierre - 24 janvier 2023